Il faut le dire sans détour: Faure Gnassingbé est un usurpateur et non un chef d’État. C’est un héritier obstiné d’un système qu’il entretient avec le zèle d’un collectionneur de trophées politiques. Depuis deux décennies, le Togo se réveille chaque matin avec le même refrain: «Faure est encore là». Et chaque soir, la même question hante les consciences: jusqu’à quand?
Mais voilà, Faure n’est pas du genre à s’en aller. Il est comme ce locataire indésirable qui, après avoir squatté votre salon, finit par exiger le titre foncier. Pour lui, le pouvoir n’est pas un mandat qu’il faut obtenir du peuple souverain, mais un héritage, une rente, un droit de naissance. Il règne avec l’arrogance tranquille de celui qui croit que le pays lui appartient et le cynisme froid de celui qui pense que personne n’osera vraiment le contredire.
Ce pouvoir, Faure ne l’a pas conquis, il l’a hérité, comme on hérite d’un vieux fauteuil en cuir un peu usé, mais encore confortable. Et depuis, il s’y est installé avec une aisance déconcertante. Il y a ajouté quelques coussins contre la constitution légale, deux ou trois amendements à la sauce dynastique et voilà un trône monté à la façon monarchie moderne.
Et attention, il ne gouverne pas, il réprime, persuadé que la République est une propriété familiale et que le mot alternance n’est qu’une invention d’opposants mal inspirés.. Ses partisans sont les plus grands corrompus du pays et ses soi-disant opposants finissent par se taire et collaborer. La gouvernance togolaise a ceci de particulier qu’elle transforme le cynisme en méthode de travail. Les élections se gagnent avant d’être tenues, les institutions veillent à ne jamais déranger le maître, et la justice ne se souvient pas du mot équité.
Ah, les convertis! Ces éternels candidats à la mangeoire nationale, prêts à jurer fidélité à n’importe quel régime pourvu qu’il reste une chaise libre autour de la table du banquet présidentiel. Ceux-là s’apprêtent, sans honte ni frisson, à rejoindre un gouvernement sous l’autorité du despote usurpateur. Mais ne nous y trompons pas. Participer à un gouvernement sous Faure, c’est signer un pacte avec le diable, sans même négocier le prix de son âme. C’est devenir complice d’un système qui vit du sang des innocents et de la peur du peuple. C’est croire qu’en se lavant les mains dans l’eau du mensonge, on ressortira propre.
Soutenir Faure, même du bout des lèvres, c’est trahir la mémoire de ceux qui sont tombés pour un Togo libre. C’est piétiner les espoirs des jeunes, de ces milliers d’anonymes qui rêvent d’un pays où le mérite remplace la médiocrité et où la justice n’est pas un mot qu’on réserve aux discours de fin d’année. On nous parle de réconciliation, de dialogue, de stabilité. Des mots bien polis pour cacher la permanence de l’injustice. Le régime togolais a perfectionné l’art de la comédie politique. On simule les réformes, on fabrique des opposants d’État pour meubler le décor démocratique. Et le peuple, spectateur fatigué, regarde défiler les mêmes acteurs sur la même scène depuis bientôt soixante ans.
Mais un jour, quand le rideau tombera, il faudra bien répondre de tout. Les fraudes électorales maquillées en victoires, des morts effacés des bilans officiels et des prisonniers politiques torturés jusqu’à la mort ou oubliés au fond des prisons. Refuser de s’asseoir à la table de ce pouvoir, ce n’est pas un caprice militant. C’est un devoir moral. Car il ne s’agit pas seulement de politique, mais de dignité. Rester debout face à l’usurpation, c’est rendre justice aux martyrs, à ceux dont les cris résonnent encore dans nos mémoires.
Entrer dans le jeu de Faure, c’est participer à la mascarade, c’est offrir à la tyrannie le masque de la respectabilité. Et l’histoire, cruelle comme elle sait l’être, ne pardonnera pas. Alors, à ceux qui rêvent de ministères et de privilèges, rappelons ceci: il vaut mieux être pauvre mais libre, que riche et esclave du mensonge. L’avenir du Togo ne se construira pas dans les salons du pouvoir, mais dans le cœur de ceux qui refusent la compromission.
Un jour, le vent soufflera très fort et emportera avec lui les trônes, les faux prophètes et les complices silencieux. Ce jour-là, on parlera enfin du Togo au passé de la peur et au futur de la liberté. Et comme le disait un vieux sage togolais: « Même la nuit la plus longue finit par céder la place à l’aube. »
Anani Ahoévi


