Le pouvoir au Togo n’est pas une institution au service du bien commun. C’est devenu un théâtre, une mise en scène permanente où la richesse, les femmes et l’arrogance tiennent lieu de légitimité. Ce n’est plus la compétence, la vision ou le sens de l’État qui ouvrent les portes du pouvoir, mais la capacité à usurper, à tricher, à tripatouiller, à séduire et à mépriser. C’est l’argent qu’on n’a pas gagné, les maîtresses qu’on exhibe et l’illusion arrogante d’être au-dessus des lois et du peuple.
La richesse politique se bâtit sur la crapulerie. L’argent des autres, celui des contribuables, des partenaires étrangers, des marchés publics, des petits commerçants, devient la matière première du pouvoir. On se partage les contrats, on détourne les budgets, on récompense la loyauté par des enveloppes et l’on érige la corruption en système de survie. La réussite n’a plus rien à voir avec l’effort. Elle dépend de ton degré de proximité avec le cercle du pouvoir. Ainsi, la pauvreté du peuple est la condition même de la richesse de ses dirigeants. Le pouvoir prospère sur la dépendance, car un peuple libre, autonome et instruit ne courbe pas l’échine devant les puissants.
Et pendant que certaines se battent courageusement pour leur autonomie et leur dignité, d’autres deviennent les complices volontaires d’un système qui les réduit à des récompenses. Il ne se mesure plus à la qualité des politiques publiques mais au nombre de regards corrompus qu’il attire.
Ceux qui détiennent le pouvoir ne se considèrent pas comme des citoyens. Ils se pensent intouchables. La loi pour eux n’est qu’un instrument de contrôle des faibles. Le citoyen lambda se fait arrêter pour une faute mineure, tandis que le ministre, le député ou le fils d’un baron du régime traverse les frontières avec des valises de billets sans inquiétude. L’impunité est devenue la vraie constitution du pays. Et cette arrogance s’étend à tous les niveaux. L’agent de police qui rackette, le fonctionnaire qui détourne, le chef qui menace. Chacun à son échelle, reproduit le modèle du plus fort. Le pouvoir au Togo est devenu une pyramide d’impunités.
Solange Kolani
