Ah, le Togo! Ce petit pays où le soleil brille où les gens sourient, et où… la vie coûte désormais le prix d’un voyage sur Mars. Oui, au Togo, on ne vit plus, on survit avec élégance, dignité et un humour à toute épreuve. Le nouveau rêve togolais? Faire les fins de mois sans vendre son téléphone.
Direction le grand marché de Lomé, ce lieu mythique où chaque jour se joue un drame économique digne d’une série Netflix: «Inflation et désespoir». Les vendeuses n’affichent plus les prix: elles les improvisent. Parce qu’entre le matin et le soir, le coût du panier a changé trois fois. Le maïs a pris la grosse tête, le riz a décidé de devenir un produit de luxe, et la tomate… ah la tomate! Elle a quitté le statut de condiment pour celui d’investissement à long terme.
Une ménagère m’a confié: «Avant, je faisais le marché avec 5000 francs. Aujourd’hui, je fais juste le tour.» Et pourtant, elle garde le sourire. Parce qu’au Togo, on ne se plaint pas trop fort, on philosophe avec l’estomac vide.
Le SMIG, c’est-à-dire le Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti, est fixé à 52.500 francs CFA.
52.500 francs! Soit environ… deux pleins d’essence, trois sacs de riz ou un mois de prières intensives pour tenir jusqu’à la fin.
Certains fonctionnaires ont fait le calcul: «Mon salaire, c’est comme une étoile filante. Je le vois passer, il brille un instant, et puis plus rien.» Et ceux qui ont confisqué le pouvoir, promettent des «mesures d’accompagnement». Sauf qu’on cherche encore le bus de ces mesures. Il n’est jamais arrivé à l’arrêt «pouvoir d’achat».
Le carburant, au Togo, c’est un peu comme le champagne : on n’en met plus qu’aux grandes occasions. À chaque hausse, les zémidjans (les taxi-motos) deviennent poètes. L’un d’eux me disait, le regard perdu dans le vide: «L’essence coûte cher, mais la vie aussi, mon frère.» Et quand on leur demande pourquoi ils continuent à rouler malgré tout, la réponse est simple: «Parce que marcher le ventre vide coûte encore plus cher. »
Pendant ce temps, les automobilistes calculent leurs trajets comme des équations: si je vais au travail trois fois cette semaine, aurai-je encore de quoi acheter du pain?
Les guignols qui font la pluie et le beau temps à la tête de l’État, nous disent de consommer local. Très bonne idée! Sauf que le manioc, le gari, même l’igname ont pris la grosse tête. Ils se comportent comme des vedettes de cinéma: inaccessibles, capricieux et toujours plus chers. Finalement le «made in Togo» est devenu aussi cher que l’importé.
Une vendeuse à Tsévié m’a confié: «Avant, je vendais le foufou pour nourrir mes enfants. Maintenant, je le vends pour rembourser mes dettes». Et pendant que les produits montent, les espoirs, eux, descendent. À ce rythme, même le piment finira dans un coffre-fort.
Mais attention, le Togolais ne se laisse pas abattre. Il a développé un sixième sens: le sens de la débrouille. On troque, on partage, on invente. On cuisine sans viande, on recharge le téléphone à crédit, on fait des miracles avec 1.000 francs. Et surtout, on rit. Parce que rire, c’est gratuit (en tout cas, pour l’instant). Dans les bars, on plaisante: «Le gouvernement a dit que la vie est chère. Mais chère pour qui? Parce que moi, je ne l’ai pas encore achetée!»
Le peuple s’adapte, improvise, philosophe. Comme ce proverbe togolais revisité: «Quand la vie devient trop chère, il faut négocier avec le destin».
Face à cette situation, les experts parlent de «tension inflationniste». Mais dans les maisons, on parle plutôt de « tension artérielle». Parce qu’à force de voir les prix grimper, c’est le cœur qui lâche.
Et pendant que les économistes dessinent des graphiques, le peuple dessine des plans B, C et D pour survivre à la semaine. Mais malgré tout, le Togolais garde espoir. Parce qu’au fond, il sait que rien n’est éternel, pas même la cherté de la vie. Et surtout, il garde son humour, ce dernier luxe qu’aucune inflation ne peut lui enlever.
Kankoé Alihonou


